La 18e journée de Ligue 1 aura une saveur particulière pour Hyung-Su Kim, supporter coréen ayant économisé pendant six mois pour passer au travers de son écran de télévision, débarquer dans le Nord et encourager les Dogues dans l’enceinte lilloise. Rencontre. La passion autour du LOSC dépasse les frontières, jusqu’à tenir en éveil des supporters étrangers contraints de décaler leur cycle de sommeil afin de suivre avec assiduité ses performances. C’est ce que vit Hyung-Su Kim depuis cinq ans, supporter lillois perdu en Corée du Sud, à Séoul. Ce jeune étudiant de 19 ans, qui est récemment entré à l’université dans une filière de services aériens, a cependant pris la décision de briser les chaînes qui l’éloignaient de sa passion. Il a ainsi économisé ses six derniers mois pour venir ici, à Lille, et encourager les Dogues à l’occasion de la réception de l’OGC Nice ce vendredi puis du déplacement à Liverpool mardi prochain. 8780,3 kilomètres séparent Séoul de Lille. La belle histoire ne s’arrête pas en si bon chemin. Impatient à l’idée de véritablement découvrir l’enceinte de la Decathlon Arena – Stade Pierre-Mauroy, le Coréen est entré en contact avec des supporters lillois en début de semaine. La flamme qui l’anime a provoqué un grand élan de soutien, au point d’attiser la curiosité du LOSC et de ses dirigeants. C’est ainsi que Hyung-Su Kim se retrouvera aux côtés de vous et moi ce vendredi, à l’occasion de la réception des Aiglons. Il vit un rêve éveillé, qu’il nous a raconté. Rencontre. « Je vis un rêve éveillé depuis que je suis arrivé à Lille » Bonjour Kim, bienvenue à Lille. Peux-tu nous expliquer comment es-tu devenu supporter du LOSC ? Le football est un sport très populaire en Corée et la plupart de mes amis à Séoul soutiennent de grands clubs européens comme peut l’être le Real Madrid. Mais moi, je suis tombé amoureux du LOSC. J’ai commencé à les suivre quand j’avais 14 ans, j’étais en classe de 3ᵉ. Je crois que c’est comme ça que l’on dit ici. J’ai regardé mon tout premier match le jour où mon meilleur ami m’a parlé d’un joueur nommé Sven Botman. Il me disait qu’il était vraiment fort et qu’il jouait à Lille. Sans trop réfléchir, par curiosité, j’ai regardé un match pour voir ce qu’il valait. C’était contre Nantes lors de la saison 2020-2021. Après ce match, j’en ai regardé un autre, puis le suivant, puis encore encore un autre, et, petit à petit, je me suis mis à supporter le LOSC. Chaque jour, je me réveillais à 4 heures du matin pour regarder les matchs et ensuite, je dormais à l’école. Mon mode de vie a changé, mais les voir jouer me procurait de la joie. J’ai, en quelque sorte, eu de la chance de tomber sur la bonne saison. C’était incroyable. Je me souviens de nombreux matchs, comme celui face à l’AC Milan, le duel avec l’OL évidemment et la remontée de deux buts, mais aussi la victoire contre Paris ou encore le dernier match à Angers pour le titre. Trois jours avant, j’étais tellement nerveux que je n’arrivais même pas à dormir. Et quand nous avons enfin remporté le titre, j’ai pleuré comme jamais. Ce moment est inoubliable. Après cette saison, mon amour pour l’équipe a grandi encore plus et, aujourd’hui, je vibre chaque jour pour le LOSC. Et finalement, qu’avais-tu pensé de Sven Botman ? (Il rigole). Quand on a annoncé qu’il allait partir, je croisais les doigts pour que ce soit faux. C’est finalement arrivé, mais je l’aime toujours autant. Quand j’ai le temps, je regarde parfois ses matchs. Mais ce que j’aimais vraiment, c’était Sven Botman au LOSC, pas juste Sven Botman (rire). Plus sérieusement, ta passion a débuté du jour au lendemain, comment tes parents ont-ils réagi alors que tu vivais en décalé pour suivre les matchs la nuit ? Mes parents n’ont pas vraiment compris et pendant plus de trois ans, ils n’appréciaient pas le fait que je me lève chaque nuit pour regarder les matchs. Mais dès que je suis devenu adulte, j’ai dit à ma mère que j’étais devenu majeur et que je voulais aller à Lille. C’était tout simplement devenu un objectif. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’elle a compris que ce n’était pas qu’une lubie, mais une vraie passion qui m’animait. Encore récemment, elle m’a appelé pour me demander où est-ce que j’étais. Elle appelle toujours Lille : « Nille », ne me demandait pas pourquoi (rire). Aujourd’hui, ma mère reconnaît mes efforts et, pour moi, se lever à 4 heures du matin n’a jamais été un problème. Je suis toujours impatient avant les matchs. Je me pose un millier de questions, me demande comment nous allons battre notre adversaire. C’est si excitant ! Par contre, ce qui m’a toujours pesé, c’est l’incompréhension et le jugement des autres. Certains de mes amis se sont toujours moqués de mon amour pour LOSC. Le regard des autres a vraiment été la partie la plus difficile d’être un supporter de LOSC en Corée. Justement, peux-tu nous en dire un peu plus. Comme tu l’as dit, tes amis suivent les clubs les plus importants en Europe. Que te disent-ils quand tu leur parles de ta passion pour le LOSC ? Pour être tout à fait honnête avec vous, le plus gros problème pour moi a toujours été le regard des autres. Mes amis se moquaient souvent de moi en me demandant pourquoi je regardais les matchs d’une équipe comme ça. Leurs mots m’ont souvent blessé, mais je ne savais pas quoi répondre. Encore aujourd’hui, alors que j’ai bien grandi, ça reste une blessure pour moi. De nos jours, comme Kang-In Lee a rejoint le Paris Saint-Germain, beaucoup de gens en Corée regardent la Ligue 1. Mais avant, presque personne ne suivait ce championnat. À cause de ça, les gens autour de moi me trouvaient vraiment bizarre. C’était assez triste. Ils regardent toujours les matchs de Kang-In Lee, mais ils ne s’intéressent pas à la Ligue 1 en général… C’est vraiment dommage. Est-ce que les derniers résultats du LOSC en Ligue des Champions, comme les victoires sur le Real Madrid et l’Atlético de Madrid, t’ont permis de mieux le vivre ? D’une certaine façon, prendre ta revanche ? C’est une excellente question (rire). Un de mes amis est fan du Real Madrid et dès que le calendrier de la Ligue des Champions est sorti, je lui ai montré. Il m’a rapidement dit que Lille allait perdre, et largement (0-3). J’étais tellement frustré ce jour-là. Le jour J, on a regardé la rencontre ensemble au téléphone, même si c’était en pleine nuit. Ce match, c’était incroyable : Zhegrova a été exceptionnel, et David a marqué un but fantastique. Quand le match s’est terminé, mon ami a crié que ce n’était pas possible, qu’il avait vécu un cauchemar. Je lui ai simplement répondu : « Voilà, c’est ça notre équipe ! » Ensuite, on a aussi réalisé de grandes choses contre des équipes comme l’Atlético de Madrid ou la Juventus. J’ai reçu plein de messages de mes amis après ces matchs, c’était génial ! Maintenant, c’est moi qui les taquine. Je leur rappelle que nous sommes 8ᵉ en Ligue des Champions, tandis que le Real est 20ᵉ et que Manchester City est 22ᵉ (rire). Notre campagne de Ligue des Champions est vraiment incroyable. Personnellement, ma saison préférée était celle où nous avons joué contre Chelsea en 8ᵉ de finale. Mais cette année, c’est encore plus impressionnant. Je suis tellement heureux et fier de ce que nous faisons ! Tu me parles de Chelsea, alors quel est ton plus beau souvenir en tant que supporter lillois ? Le tout premier, c’est lorsque nous avons remporté le titre de Ligue 1. Cette saison était l’une des plus disputées. Notre équipe avait la meilleure défense de France. Après le départ de (Thomas) Tuchel pour Chelsea et l’arrivée de (Mauricio) Pochettino, le PSG était en bien meilleure forme pendant la deuxième moitié de la saison. Ils étaient vraiment redoutables. Mais nous avons réussi, avec beaucoup de fierté, à remporter le trophée lors de la dernière journée. Ce souvenir reste l’un des moments les plus fous de ma vie. (C’est un secret, mais ce jour-là, j’ai tellement pleuré que je ne suis même pas allé en cours). C’est après ce match que j’ai pris une grande décision : dès que je serai adulte, j’irais à Lille. C’est devenu un objectif clair dans ma vie à partir de ce moment-là. Je crois que ce ne sera bientôt plus mon meilleur souvenir. Je vis un rêve éveillé depuis que je suis arrivé à Lille. Cela ne fait que deux jours, mais je suis déjà tombé amoureux de cette ville. J’ai un peu l’impression d’être chez moi. C’est comme ma deuxième maison. Quel est actuellement ton joueur préféré au LOSC ? Mon joueur préféré, c’est Benjamin André. J’aime son travail acharné dans l’ombre. Pour gagner, nous avons bien sûr besoin de joueurs aux talents spectaculaires, mais les joueurs les plus importants sont ceux qui accomplissent leur rôle avec constance et dévouement. Je le dis même parfois à mes amis en Corée. Quand ils parlent de la Premier League, je leur réponds qu’il y a un milieu défensif plus impressionnant que Rodri en Ligue 1 : Benjamin André. Sa combativité et son esprit de sacrifice sont des qualités que tous les joueurs de LOSC devraient avoir. J’ai beaucoup d’admiration pour lui. Les meilleurs joueurs de notre équipe partent souvent rapidement pour d’autres clubs. Mais Benjamin André, malgré le fait qu’il soit devenu l’un des meilleurs milieux défensifs en France, reste fidèle au LOSC. J’adore son engagement. Qu’attends-tu du match de demain ? Ce match est l’un des plus importants de la saison. La moitié de la saison est déjà passée et cette confrontation contre Nice est un match qu’il ne faut absolument pas perdre. Il faut absolument gagner. Nous avons atteint un record historique de 20 matchs sans défaite, mais ce qui m’inquiète un peu, c’est le nombre de matchs nuls. Bien sûr, ne pas perdre est important, mais il est encore plus crucial de remporter des victoires pour avancer de 3 points. C’est d’autant plus important que nous affrontons Nice, un concurrent direct. Nous devons absolument prendre les 3 points à domicile pour nous rapprocher de la qualification en Ligue des Champions cette saison. J’espère que nous serons sur le podium à la fin du match ! Pourquoi es-tu spécialement venu pour ce match et pas pour un autre ? Je viens avec un ami. C’est celui dont je parlais tout à l’heure, celui qui m’a dit il y a 4 ans que Sven Botman était un excellent joueur. C’est un grand fan de football et il supporte Liverpool tandis que moi, je supporte Lille. Le match de Ligue des Champions contre Liverpool était donc l’occasion parfaite pour venir ici. Pour lui, ce sera aussi la première fois qu’il pourra assister à un match de Liverpool en personne. Je lui ai tellement parlé du LOSC que nous avons décidé qu’il viendrait à Lille aussi pour voir un match avec moi, puis nous irons ensemble à Anfield pour voir Liverpool jouer. Je suis vraiment reconnaissant envers cet ami d’être venu jusque-là avec moi. C’est le seul qui a toujours soutenu ma passion pour le LOSC et qui a même regardé quelques matchs avec moi. Grâce à moi, il connaît maintenant presque tout l’effectif de l’équipe et regarde parfois les matchs (rire). Un petit message de remerciement… C’est grâce à de nombreux fans de LOSC que je peux vivre tout cela aujourd’hui et même discuter avec vous. Je suis profondément reconnaissant. Mais je tiens particulièrement à remercier mon ami de la page @lavoixdesdogues, qui a partagé mon histoire avec le monde. Je veux aussi remercier tous les amis de Lille qui m’ont envoyé des messages. J’ai reçu tellement de messages de soutien, et cela me touche profondément. Ces personnes m’ont accueilli comme un membre de leur famille, même si je viens d’un pays lointain. Je ne pourrai jamais assez les remercier. Voir cette publication sur Instagram Une publication partagée par 김현수 (@h_ttou)