Natif de Baisieux, joueur issu du centre de formation passé par Rouen, il n’y avait pas mieux que Michel Titeca pour introduire la rencontre à venir entre le LOSC et le FC Rouen 1899. Entretien exclusif, c’est parti ! Du haut de ses 60 ans, Michel Titeca est aussi impatient que vous et moi à l’idée de retrouver les Dogues à Rouen ce vendredi, dans le cadre des 32es de finale de Coupe de France. Enfant du coin, il rejoignait le LOSC à l’adolescence puis luttait comme un diable pour y faire son trou. C’est en 1983-1984 qu’il se révélait chez les Dogues, disputant son premier match sous l’égide d’Arnaud Dos Santos un 17 décembre contre le Toulouse FC. Cette période fut son sommet lillois. Son temps de jeu était drastiquement réduit l’année suivante, jusqu’à le contraindre à un départ vers Rouen, club dans lequel il a eu sa plus grande longévité (214 apparitions). Il n’aura finalement disputé que 21 rencontres à Lille. En Normandie, Michel Titeca connaît une carrière honorable, bataillant longuement pour tenter de retrouver l’élite : il échoue à trois reprises au stade des barrages. À titre individuel, la saison 1991-1992 est sa meilleure, avec 8 buts et 8 passes décisives. Il reviendra à Lille des années plus tard, portant différentes casquettes (d’éducateur à scout) de 2006 à 2020. C’est ainsi fort logiquement que la rencontre à venir, entre Dogues et Diables rouges, fait remonter de précieux souvenirs. Entretien avec Michel Titeca, c’est parti ! Comment t’es-tu retrouvé au LOSC ? Quand j’étais jeune, ma seule obsession était de devenir joueur professionnel et la seule issue que je voyais, c’était d’intégrer le centre de formation du LOSC. Pour la simple et bonne raison qu’à cette époque là, on n’allait pas chercher très loin les joueurs. Il y avait une majorité de locaux. Je ne voyais pas d’autres possibilités que celle-là pour atteindre mon rêve d’enfance. J’étais à Baisieux jusqu’à 15 ans. J’ai signé un contrat à l’âge de 16 ans, à partir de ma deuxième année à Lille. J’ai eu un peu de chance parce qu’on ne m’avait pas fait de proposition à la fin de ma première année. Je n’avais sans doute pas donné assez de garantie. C’est au début de la saison suivante, lorsque j’ai intégré les Cadets nationaux et que j’ai fait un bon début de saison, que l’on m’a proposé mon premier contrat. C’était le 08 septembre. Je suis vraiment allé le chercher d’une certaine façon. Quel souvenir gardes-tu de ta première apparition sous le maillot lillois ? Je me rappelle qu’il y avait eu beaucoup d’effervescence dans ma petite campagne. Il n’y avait aucun joueur qui avait évolué à ce niveau-là dans le coin. J’étais un petit peu devenu l’attraction. Quand j’ai appris que j’allais faire mon premier match chez les professionnels, j’en ai naturellement parlé avec mes parents et le bouche-à-oreille a rapidement fait le reste. Il y a eu un engouement sur ce match-là. Beaucoup de personnes de mon village et des villages voisins étaient présents, même s’ils étaient déjà supporters. Là, il voulait voir un petit jeune des quartiers faire ses débuts. C’était la raison de leur venue. Cela ne t’a pas ajouté un peu de pression ? Non. Je ne vais pas dire que je n’ai jamais ressenti la pression, mais j’avais la chance de pouvoir réaliser tout ce que j’avais toujours voulu faire. Donc, au contraire, je prenais ça avec beaucoup de recul et surtout, surtout, de plaisir. C’était plus de la fierté que du stress. Un match avec les professionnels n’est pas la finalité d’une carrière, mais c’est déjà un premier pas de fait pour réussir à faire ce que je souhaitais depuis longtemps. A cette époque, ce qui n’est plus jamais le cas maintenant, j’avais encore un contrat stagiaire. Nous, il fallait jouer chez les professionnels pour avoir un contrat de professionnel. Dans mes souvenirs, j’avais fait un match correct (75′). Je n’avais pas fait un match exceptionnel, mais je n’avais pas été inhibé par l’événement. C’était naturel, à mes yeux, d’en arriver là et je devais ensuite prouver que je pouvais disputer encore un match, puis un autre, encore un autre… pour devenir régulier dans le milieu professionnel. Justement, tu enchaînes sept apparitions consécutives dans la foulée… J’avais eu la chance, à cette période-là, d’avoir un entraîneur qui accordait beaucoup de confiance aux jeunes. On avait d’ailleurs réalisé une belle saison 1983-84 en finissant douzième ou treizième, sans jamais être inquiété par une éventuelle relégation. On avait eu cette chance d’avoir un entraîneur qui n’hésitait pas à donner sa confiance à la formation. L’effectif lillois en 1984-1985 Gardiens : Mottet, Lauricella, Lama Défenseurs : Froger, Kourichi, Pléan, Primorac, Prissette, Robin, Thomas Milieux : Garcia, Perilleux, P.Plancque, S.Plancque, Rohart, Titeca Attaquants : Bureau, Courson, Guion, Meudic, Savic Quel souvenir gardes-tu d’Arnaud Dos Santos, ton coach de l’époque ? Je n’ai que des bons souvenirs, d’autant plus que je l’ai retrouvé ensuite à Rouen pendant trois années. C’était un entraîneur très dur, avec lequel on travaillait énormément, mais il était droit dans ses choix. A l’image d’un Claude Puel, que je n’ai pas connu, c’est un entraîneur qui faisait évoluer les jeunes. Il donnait toujours la possibilité de s’exprimer, ce qui était quelque chose de bien. Je suis content de la façon dont il travaillait et de la confiance qu’il nous accordait. Cela a ensuite été plus compliqué avec Georges Heylens ? Ce n’était pas compliqué, mais carrément rédhibitoire. J’ai pu rediscuté avec lui une trentaine d’années plus tard, lorsque l’on travaillait tous les deux au LOSC en tant que scout, et ça nous a permis d’échanger. Cela avait été plutôt enrichissant d’en parler. Je lui avais évidemment transmis ma manière de penser avec beaucoup plus de calme et de patience que lorsque j’étais un jeune joueur (sourire). C’était un entraîneur qui accordait beaucoup plus sa confiance aux joueurs expérimentés. De ce fait là, j’ai eu beaucoup moins ma chance lors de ma deuxième année chez les professionnels. Il y a pourtant des périodes durant lesquelles j’aurais sûrement mérité de jouer. Mais c’était son choix. Et moi, je n’en avais pas d’autres que de les accepter. Cela t’amènes à quitter le LOSC, aux côtés de Pascal Guion, dans un échange avec Cyriaque Didaux à Rouen. C’était également un joueur plus expérimenté. Je n’ai jamais su comment le transfert avait été réalisé ni qui l’avait impulsé. Il me semblait impossible de faire autrement que de partir. Je ne voulais pas revivre la saison que j’avais vécue, soit six à sept matchs au cours de la saison. Je pensais que j’avais progressé et que je méritais plus de temps de jeu. Ce n’était pas une bonne nouvelle. Pour preuve, je n’ai jamais réussi à retrouver un club qui évoluait au haut niveau, en première division. J’aurais préféré réussir dans mon club de cœur, mon club formateur. Mais c’était naturellement impossible de continuer et quand il y a eu cette opportunité de partir à Rouen, je l’ai saisie. Quel serait ton meilleur souvenir à Lille, avant de passer sur Rouen ? Il y a forcément les premiers pas chez les professionnels, avec ce premier match contre Toulouse. J’ai fait des matchs intéressants à Nantes, Monaco, j’ai gagné un derby, mais, cela peut paraître paradoxal, je conserve d’excellents souvenirs de ma formation et du groupe de travail que l’on avait. On nous a fait évoluer de manière incroyable pour pouvoir atteindre ce niveau-là. C’est ça qui m’a porté le plus : le final d’un travail accompli pendant mes années de formation. Tu as connu une bien plus grande longévité à Rouen, avec plus de 200 matchs. Tu as bien réussi à t’adapter à ce nouvel environnement ? Il y a du oui et du non. La première année était celle de l’armée et c’était très compliqué. Il y avait aussi le fait de quitter son cocon familial et amical, ce que je n’avais jamais fait auparavant. Il fallait tout simplement apprendre à vivre seul, du loyer à payer au repas à faire tous les jours. Au centre de formation, on était logé, nourri et blanchi, et puis ensuite, j’étais chez mes parents. La première année n’avait pas été facile. En plus, j’avais eu une entorse qui avait mis du temps à se soigner. Je n’avais donc pas pu faire une grande saison. On était d’ailleurs descendu en troisième division. Je ne voulais pas jouer à ce niveau-là, j’ai donc été prêté un an à Beauvais. Là-bas, je suis tombé sur un entraîneur (Stefan Bialas) avec lequel ça n’a pas du tout matché. C’était également une saison compliquée Pendant ton séjour à Rouen, tu rencontres le LOSC à plusieurs reprises, comment as-tu vécu ces duels répétés ? La première confrontation, c’était en match-aller retour en Coupe de France. J’avais malheureusement été expulsé le match précédent à Geugnon. Je ne joue pas ce match durant lequel on perd 4-0. J’étais évidemment allé voir le match, de retour sur mes terres. Au retour, on gagne (1-0), mais c’était une victoire sans intérêt. C’était bien, mais ça n’avait aucune utilité, d’autant plus que je me blesse en première période. Cette première confrontation n’est pas un bon souvenir avec, en plus, l’élimination. En revanche, c’est beaucoup plus sympathique en 1993. Ce match restera un très bon souvenir. Je me rappelle que l’on avait fait un match solide et que la victoire n’avait pas du tout été immérité. C’est un bon souvenir dans ma carrière rouennaise, le fait de battre Lille en 32e de finale. Le souvenir est encore plus beau que l’on tombe face à l’Olympique de Marseille, champion d’Europe en titre, au tour suivant. On perd sur un penalty alors que la faute était deux mètres en dehors de la surface. Je m’en souviens très bien parce que c’était le père Batta qui arbitrait ce jour-là. Il y a désormais son fils qui arbitre en Ligue 1. On a perdu (1-0) sur un fait de jeu. C’était triste, mais avoir joué les champions d’Europe, cela reste gravé. Surtout que l’on avait vécu une ambiance de feu. Quelle importance a la Coupe de France à tes yeux, toi qui a vécu plusieurs campagnes de ta carrière ? C’est quand même, depuis la nuit des temps, la compétition qui est la plus suivie parce que ça donne matière à de grosses surprises tous les ans. Je pense déjà au match de vendredi, avec Rouen qui éliminait Monaco et Toulouse la saison dernière et qui peut aujourd’hui s’appuyer sur Régis Brouard pour réaliser des exploits similaires puisque lui-même l’a fait avec Quevilly quelques années auparavant. La Coupe de France, ce sont toujours des matchs couperets et il y a toujours de surprises. C’est ça qui fait son charme. En Coupe de France, ce n’est pas le meilleur qui gagne. En parlant du match de vendredi, je crois savoir que vous y allez en famille. Oui, on va faire la journée là-bas. C’est l’occasion de transmettre un peu de notre histoire à nos enfants : les endroits où l’on a vécu, ce que l’on a pu faire… Ce sera une belle journée. Ensuite, on ira au Stade Robert-Diochon pour assister à cette affiche. Je serai naturellement Lillois. C’est là où Après tant d’années passées à Lille, mais aussi à Rouen, pour quel club tiendras-tu ? Je te laisse te poser la question… Lillois évidemment ! Je serai naturellement Lillois. C’est quand même là où j’ai fait mes débuts, où j’ai travaillé une vingtaine d’années. J’ai joué six ans et travaillait pendant 14 ans de 2006 à 2020. C’est un club qui fait vraiment du bon boulot. Je suis également Rouen, et ça serait bien s’il pouvait se hisser en Ligue 2, même si ça me paraît très compliqué pour cette année. Mais demain, je serai de tout cœur avec le LOSC. Toi qui a été formé à Lille, tu dois apprécier le retour de jeune du crue dans l’effectif ? Il y a quelques joueurs passés par les professionnels qui sont passés dans mes équipes tu sais. Le premier, c’est évidemment Eden Hazard. Ce n’est pas vraiment moi qui l’ai formé, puisqu’il s’est formé tout seul, mais il est quand même passé par mon effectif. Il y aussi Lucas Digne, qui a fait un travail énorme pour arriver là où il en est. Au départ, je n’aurais pas pensé qu’il aurait fait une carrière comme celle-là, au delà de mes espérances même. C’est énormément de mental. […] Il y en a un dont on parle peu, c’est Jean Butez, qui fait partie des meilleurs gardiens en Belgique. Enfin, comment te projettes-tu sur la rencontre de demain et quel est ton pronostic ? Tous les matchs de Coupe de France sont piégeux. J’ai regardé tous les matchs de Lille et quand je vois la performance à Marseille. S’ils partent dans le même état d’esprit, la même philosophie, je vois une victoire du LOSC. Après, il ne faut jamais crier victoire trop vite. C’est un match à prendre au sérieux. Je pense que l’on a l’équipe pour éviter le piège. C’est tout ce que je souhaite. Un pronostic ? Je dirais un petit 0-2, ça pourrait le faire et j’espère ne pas me tromper même si j’ai beaucoup de respect pour mes amis rouennais. #Top50LoscIndépendamment du niveau.ILe coup de coeurPascal Plancque / Stéphane Dumont / Stéphane Pichot / Stéphane Plancque / Arnaud Duncker / Fernando d'Amico / Michel Titeca / David Coulibaly / Alain Raguel / Philippe Piette / Greg Wimbée / JP Mottet / Laurent Peyrelade — Allez LILLE (@Allez_LILLE) March 20, 2021